La dictature du frais
Avant la dictature du frais, les produits particulièrement périssables (poissons, coquillages), et/ou particulièrement saisonniers (algues, champignons, fruits), faisaient l’objet de traitements spécifiques, en vue de leur conservation. La nature de ces traitements faisait appel aux ressources mises à disposition par l’environnement, la tradition, et les avancées techniques: la cendre, le sel, la fumée, le soleil, le vent, le froid, la conserve.
Le séchage, très efficace, puisqu’il bloque durablement le processus de décomposition, est aussi le procédé qui préserve et restitue le mieux le goût et les nutriments des produits traités.
Il permet de conserver des espèces particulièrement fragiles ou éphémères, qu’il est pratiquement impossible de trouver frais sur les étals des maraîchers. C’est le cas des haricots de mer, des cèpes ou de la noix de coco.
La texture particulière, la concentration des goûts et des arômes, la facilité et la diversité de leur utilisation en font un divertissement culinaire inédit.
Nouveaux horizons
Durant l’expérience du restaurant « Café des Spores » à Bruxelles, nous nous sommes confrontés à la difficulté grandissante de s’approvisionner en champignon frais sauvage de qualité.
Cette difficulté semble liée essentiellement à l’appauvrissement des sites sous les effets conjoints de la pollution, de la surexploitation, et de la mauvaise gestion des espaces forestiers. Il faut aller chercher plus loin, allongeant les délais entre la cueillette et la vente, entraînant une augmentation des coûts du transport, alourdissant la dette énergétique.
Le niveau de qualité aléatoire et l’augmentation constante des prix de ces produits, leur coût environnemental supposé, et les problèmes de traçabilité nous ont donc conduits à rechercher de nouvelles ressources.
Moins, c’est mieux
Il faut entre 12 et 20 kg de champignon frais pour faire 1 kg de champignon séché (la bonne moyenne se situant entre 15 et 18). Le coût énergétique lié à leur transport est donc substantiellement diminué.
Lorsqu’ils sont séchés dans de bonnes conditions et dans les heures qui suivent la cueillette, ils conservent leur potentiel aromatique et nutritif, et ne s’abîment pas pendant le transport.
Les champignons contiennent entre 80 et 95% d’eau, diluant à la fois leur saveur et leur potentiel nutritif. En éliminant cette eau, les valeurs gustatives et nutritionnelles se concentrent formidablement.